Mes 74 lectures de 2020
Très chers amis,
2020 se termine enfin.
L’année de toutes les calamités aura au moins été propice à la lecture.
Moi qui espérais lire 52 livres ai finalement passé à travers de 74.
Goodreads m’informe que j’ai tourné 8538 pages (et lu le double, si on suit bien).
J’ai passé quatre commandes à ma librairie préférée, Drawn and Quarterly, mais je ne compte plus les visites à la bibliothèque Mordecai-Richler (sauf entre avril et juin, où j’ai dû me rabattre sur des prêts électroniques).
Trêve de chiffres, voici donc une recension de mes 74 lectures (un astérisque après le titre signifie que je recommande, et il y a un lien quand j’ai écrit des critiques plus substantielles). Vous excuserez la longueur…
Le meilleur pour commencer
Malgré une année paritaire auteurs-autrices (j’assume mon vocabulaire) en termes de lecture, j’ai finalement acheté cinq oeuvres de femmes pour ajouter à ma collection.
En ordre alphabétique, Bonheur d’occasion* (Gabrielle Roy), Les brutes et la punaise: Les radios-poubelles, la liberté d’expression et le commerce des injures* (Dominique Payette), On n’est pas des trous-de-cul* (Marie Letellier), How to do Nothing* (Jenny Odell) et Chauffer le dehors* (Marie-Andrée Gill).
Inspiré d’une histoire vraie (24)
Encore la COVID-19
La pandémie a pris presque toute la place au travail cette année. Ça a commencé avec les alertes cellulaire que l’on envoyait au sujet des nouveaux cas à Wuhan en janvier à TVA, et j’écrivais il y a encore quelques jours dans Le Journal de Montréal sur un drame shakespearien relié à une hospitalisation qui s’est joué cet été à Gatineau.
Pour tenter d’y voir plus clair au sujet de cette pandémie, je me suis tournée vers des auteurs au long-cours. La Brève histoire des épidémies au Québec: Du choléra à la COVID-19* (Denis Goulet) regorge de détails historiques sur la gestion des épidémies d’antan aux abords du Saint-Laurent (je l’ai d’ailleurs interviewé pour un article).
Sonia Shah adopte un ton beaucoup plus scientifique dans Pandemic: Tracking Contagions, from Cholera to Ebola and Beyond*, tout en rappelant que ce n’était qu’une question de temps avant qu’une pandémie ne frappe. La journaliste envisageait déjà en 2015 les ravages d’un coronavirus apparaissant dans un wet market (marché où l’on vend des animaux morts et vivants) en Asie du Sud-Est…
L’environnementaliste français Aymeric Caron a publié en juin son «journal de pandémie» ambitieusement intitulé La revanche de la nature, écrit pendant le confinement depuis un petit appartement où il a vécu à peu près la même chose que vous et moi. J’ai lu des statuts Facebook plus instructifs et divertissants.
À la première personne
Je n’ai jamais consommé autant de biographies que cette année. Celle de la journaliste culturelle Nathalie Petrowski (La critique n'a jamais tué personne), que j’ignorais aussi baveuse.
Celle des correspondants à l’étranger Tiziano Terzani (La fin est mon commencement : un père raconte à son fils le grand voyage de la vie*) — sage envoyé spécial qui a couvert de grands pans de l’Asie avant de se tourner vers le bouddhisme et Ryszard Kapuściński (Mes voyages avec Hérodote), qui se prend par moments pour l’historien grec.
Celle du journaliste américain Robert Caro qui détaille les incroyables dessous de ses enquêtes sur le passé de Lyndon B. Johnson et de Robert Moses (Working: Researching, Interviewing, Writing*).
Celle du politicien-devenu-sénateur André Pratte, qui s’est donné pour mission de résumer sa carrière ET de vulgariser la mécanique du Sénat canadien (audacieux) (Sénateur, moi ?).
Celle de Robert Godin, créateur des guitares du même nom, à des fins de recherche et développement (L'homme derrière les guitares Godin, Johanne Mercier).
Celle de Sheila Watts-Cloutier (Le droit au froid*), dont la vie est étroitement imbriquée dans les enjeux de l’Arctique.
Celle portant sur les derniers jours du révolutionnaire Simón Bolívar (Le Général dans son labyrinthe, Gabriel García Márquez).
Et celle de la Chilienne Carmen Aguirre, qui, toute jeune, a dû suivre sa mère membre de la guérilla révolutionnaire des années 1970 (Something Fierce: Memoirs of a Revolutionary Daughter*).
L’ethnographe n’est pas loin
Il y a aussi la formidable Nellie Bly qui s’est fait enfermer de son propre chef dans un asile pour femmes au tournant des années 1900 (10 jours dans un asile*). «Plus je me comportais comme une personne normale, plus ils étaient convaincus de ma folie», écrivait-elle pour dénoncer l’arbitraire du système de psychiatrie de l’époque, dans l’une des premières enquêtes journalistiques de l’histoire.
Mémoire de doctorat devenu livre, On n'est pas des trous-de-cul* (Marie Letellier) suit le destin d’une famille du Centre-sud de Montréal qui en arrache dans les années 1960. Exercice périlleux, mais aussi lucide sur la réalité de l’époque et les dilemmes de l’ethnographe, qui n’ont à peu près pas changés.
Écrit à la même époque, mais à l’autre bout du monde, Les Cuivas: Une ethnographie où il sera question de hamacs et de gentillesse, de Namoum, Colombe et Pic, de manguiers, de capybaras et de yopo, d’eau sèche et de pêche à l’arc, de meurtres et de pétrole, de l’égalité entre les hommes et les femmes* de Bernard Arcand est l’oeuvre d’un écrivain doué doublé d’un grand observateur.
L’Université de Rebibbia* réfère à la plus grande prison pour femmes de l’Italie où Goliarda Sapienza a été incarcérée. Auteure reconnue avant son arrestation pour un vol de bijoux, elle relate cette expérience à la première personne qu’aucune recherche documentaire ne pourrait égaler.
Je, me, moi
Pas aussi exhaustives qu’une biographie, ces histoires très personnelles prennent racine dans le vécu de leur autrice (le genre me semble genré). Sheila Heti raconte ses va-et-vient entre le oui et le non au sujet de la maternité dans Motherhood.
À la fois Mémoire de fille* (Annie Ernaux) et Ouvrir son coeur* (Alexie Morin) sont narrées par une adolescente complexée et pointée du doigt pour sa différence (que ce soit une classe sociale ou un strabisme). Je me les imagine douloureux mais cathartiques à écrire.
Et Lula Carballo (allo Lula!) évoque l’Uruguay de son enfance par un portrait de famille de joueuses compulsives dans Créatures du hasard*.
Faits divers
Le lambeau* (Philippe Lançon), qui relate l’attentat contre Charlie Hebdo en 2015 mais surtout les mois de convalescence de l’un de ses survivants, m’a troublée.
La source* (des devenus-collègues Félix Séguin et Éric Thibault) m’a plutôt impresionnée avec ses histoires de mafia montréalaise et son bottin de criminels véreux. Je ne peux que rêver d’une telle source (Andrew Scoppa), moi qui suis pour le moment limitée aux versions officielles du Service de police de la Ville de Montréal.
Cette année, j’ai aussi fait de la recherche pour un chapitre de rapport portant sur les personnes arrêtées pendant la crise d’Octobre (à lire ici). J’ai lu attentivement Kidnappé par la police de Serge Mongeau, et Éclats de femme de Jocelyne Robert, tous deux injustement emprisonnés pendant la rafle.
Des essais… (15)
…féministes
La palme du métalivre revient à Daniel Grenier et Les constellées*, qui recense ses lectures d’oeuvres écrites par des femmes au cours d’une année (et moi je recense cette recension). J’ai pris des notes.
Fanny Britt a récidivé avec Les retranchées : échecs et ravissement de la famille, en milieu de course (mais j’ai préféré Les tranchées tout court).
Le boys club* (Martine Delvaux), lui, est une théorisation éloquente du pouvoir masculin (scoop : les boys club sont partout).
J’ai apprécié la deuxième moitié du rose pimpant Manuel de résistance féministe (Marie-Ève Surprenant), qui déboulonne les arguments de ceux qui nous mecspliquent que le féminisme ne sert plus à rien aujourd’hui.
Second début (Francine Pelletier) est complémentaire dans sa description des trois vagues du féminisme, mais m’a fait grincer des dents par endroits.
Catch and Kill: Lies, Spies, and a Conspiracy to Protect Predators* se lit presque comme un roman d’espionnage où l’on suit le journaliste Ronan Farrow (oui, le fils de Mia), qui tente de prouver les abus du tout-puissant prédateur sexuel Harvey Weinstein tout en étant sur le radar d’anciens du Mossad.
… militants
NoirEs sous surveillance* (Robyn Maynard) dresse un portrait dévastateur de «l’esclavage, la répression et la violence d'État au Canada», d’hier à aujourd’hui. Recommandé à ceux qui s’entêtent à dire que c’est tellement mieux ici qu’aux États-Unis.
L’une des fondatrices de Québec solidaire, Alexa Conradi, fait un survol des théories actuelles de gauche dans Les angles morts : perspectives sur le Québec actuel. Je n’arrive pas à me souvenir de plus…
La transition, c'est maintenant, de Laure Waridel, constitue plus un exposé qu’un plaidoyer sur l’urgence climatique. J’ai préféré Naomi Klein.
…sur plein d’autres sujets
En cette année pandémique, j’ai voulu retourner aux sources de la Simplicité volontaire en lisant la première édition (1985) du classique de Serge Mongeau. C’est un drôle de ramassis de convictions altermondialistes et d’affirmations qui tombent aujourd’hui sous le sens. Je me suis demandée ce qui avait soulevé les foules à l’époque.
How to Do Nothing: Resisting the Attention Economy* (Jenny Odell) est tout simplement formidable dans son refus de la productivité (capitaliste), en plus d’être saupoudré d’idées et de références bien trouvées à d’autres artistes, philosophes et sociologues. Pour tous ceux qui en ont assez de se faire dire qu’il suffit de mettre son cellulaire en mode avion.
J’ai aussi relu (moi qui ne relis que très très rarement) le tellement sympathique Abolissons l’hiver!* (encore Bernard Arcand), qui propose de ne rien faire (décidément) de janvier à mars, au coeur de la froidure. Mi-fantaisiste, mi-révolutionnaire, cette plaquette mérite une deuxième lecture alors que la crise sanitaire a chamboulé notre mode de vie.
La médiocratie (Alain Deneault) a la grande ambition de fustiger le médiocre (il n’y a pas de meilleur mot) sous toutes ses formes en société. Mes attentes ont été déçues après le premier chapitre parce que les coutures entre différents écrits publiés ailleurs sont trop apparentes, et que le propos est dilué par le style ampoulé par endroits. Le contraire de médiocre n’est pas élitiste.
Autre coup de coeur cette année : Les brutes et la punaise: Les radios-poubelles, la liberté d’expression et le commerce des injures*, lu aux petites heures d’une nuit de grande canicule. Je n’ai que des louanges à faire à Dominique Payette qui riposte aux animateurs de radio-poubelle dont elle a été victime avec une éloquence inversement proportionnelle à leur malhonnêteté intellectuelle. C’est le livre que j’ai le plus offert cette année.
Mickaël Bergeron ne compte plus les fois où on l'a trouvé «courageux» de parler de son poids en public (à son plus lourd, 484 livres). Dans La vie en gros, j’ai tout de même senti une pudeur à aborder la question, distillée dans un manifeste contre la grossophobie entremêlé du journal intime d’un auteur très dur envers lui-même.
Aller voir ailleurs (13)
Au Québec
À défaut d’être régulièrement sortie du kilomètre carré de mon Mile End, j’ai suivi les errances dans Rosemont d’un brasseur lendemain de veille sur le LSD un jour de Saint-Jean en quête de l’impossible (Les rosemonteries, Sébastien Ste-Croix Dubé).
J’ai également retrouvé le Saint-Henri de ma première année montréalaise dans le magistral Bonheur d’occasion* (Gabrielle Roy) que je ne m’explique pas ne pas avoir lu plus tôt… De grâce, remplacez le Libraire de Gérard Bessette des cours de littérature du cégep par ce chef d’oeuvre.
Je qualifierais Mãn de Kim Thúy de mélange entre Ru et son livre de cuisine, pour un résultat qui se déroule à Montréal.
Je n’ai pas reconnu la Rue Saint-Urbain (pourtant adjacente à la mienne!) des années 1940 de Mordecai Richler. J’accuse mon manque de références yiddish. J’ai tout de même déposé ma copie dans la microbibliothèque du quartier pour le suivant.
Querelle (de son prénom) de Roberval* (Kevin Lambert) bouscule les syndiqués d’une usine du Saguenay Lac-Saint-Jean dès son arrivée. Il est trop beau, trop gay, trop en total contrôle de ses moyens pendant ce lock-out qui s’éternise. Cru et bien écrit, le récit m’a toutefois semblé trop fantasque pour émouvoir.
Jean-Christophe Réhel nous trimballe entre Repentigny et le seizième étage du CHUM, où l’on traite sa fibrose kystique, dans Ce qu’on respire sur Tatouine*. Son style reconnaissable au premier coup d’oeil fonctionne encore mieux sous forme de poèmes dans les pages du Devoir.
Ailleurs
Le journaliste de voyage Gary Lawrence nous convie à replonger dans ses meilleures chroniques dans Fragments d'ailleurs: 50 récits pour voyager par procuration* (parlez d’un marketing clairvoyant…). On a d’ailleurs tous les deux écrits sur la fascinante mine de Potosí, en Bolivie.
Plus au nord, un fier Midwesterner américain non russophone se fait offrir un cachet de 22 000 $ (!!!!!) du magazine New Yorker au début des années 2000 pour écrire un long article sur la Sibérie, dont s’inspire Travels in Siberia. Le problème, c’est que Ian Frazier occupe la banquette arrière de son récit et note compulsivement tout ce qui lui arrive, sans faire le tri. Même quand ses deux guides russes, Sergei et Volodya, vont rencontrer l’habitant et trinquer avec lui, il préfère rester au campement pour écrire (?!?!?!?). En résulte un récit de voyage sec qui s’éternise sur 470 pages.
Pas très loin de là, Le lièvre de Vatanen (Arto Paasilinna) s’apparente plus à un conte pour adultes à travers la Finlande qu’au «roman d'humour écologique» que promet Gallimard. Autant les animaux et la nature y tiennent le beau rôle, autant les femmes y sont reléguées au rôle d’accessoire…
Brick Lane (Monica Ali) est la longue histoire d'un mariage forcé à Londres et de l'émancipation d'une femme bengalie. Le parcours des immigrantes n'est jamais facile, mais couplé à des rôles traditionnels genrés et à un mari plus âgé et incompétent, il devient carrément enrageant.
Dominicana* (Angie Cruz) est la plus courte histoire d’un mariage forcé à New York et de l’émancipation d’une jeune femme dominicaine. Maintenant que j’y pense, les parallèles sont très nombreux avec Brick Lane (triste que ce genre d’histoire transcende les cultures…).
J’ai eu l’impression que le concept de Kim Jiyoung, Born 1982, (Cho Nam-Joo) a étouffé sa trame narrative. Si ce livre avait été publié au Québec plutôt qu’en Corée, il suivrait Julie Tremblay (prénom le plus populaire cette année là) et énumèrerait toutes les discriminations basées sur le genre avec lesquelles elle doit composer, en se basant sur les données de Statistique Canada.
L’aventure belge au Congo est relatée dans Ténèbre* (Paul Kawczak), avec ce qu’elle implique de cruauté débridée, de fascination latente et de malencontreuses maladies. Juste assez exotique et surréel à mon goût.
En images (6)
Maus: Un survivant raconte*, l’histoire du père d’Art Spiegelman, rescapé juif des camps de concentration sous les traits d’une souris, m’a jetée par terre. La façon d’entremêler le présent et le passé sont l’oeuvre d’un génie qui ne tombe jamais dans l’excès.
Dans les années 1940, le Québécois déserteur de Jours d’attente (Thomas Desaulniers-Brousseau et Simon Leclerc) se terrait plutôt à la campagne, où il n’était pas si seul après tout. J’ai admiré le trait de crayon plus que l'histoire.
Dans un registre d’autrement plus léger, l’idée derrière Comment les paradis fiscaux ont ruiné mon petit-déjeuner* (François Samson-Dunlop) est autant un défi qu’une excuse pour exposer les ramifications des paradis fiscaux dans les objets du quotidien. C’est drôle et un peu nerd.
Austin Kleon, dont j’adore l’infolettre, a toujours de bons trucs illustrés pour Keep Going: 10 Ways to Stay Creative in Good Times and Bad*.
Ma voisine en maillot (Jimmy Beaulieu) n’a pas eu le temps de mijoter (la postface l’admet). Je le classe dans la catégorie des oeuvres publiées trop tôt.
Audrey Beaulé, ma presque-voisine de Neufchâtel, est derrière La (magnifique) Vingt*, sur le trajet qui mène à la vie plus adulte.
Pot-pourri (16)
Inévitablement, je lis un Français indigeste par année et ce fut le tour de Jean-Paul Dubois, auteur de Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon. Je me serais bien passée de son interprétation d’un Hells de la prison de Bordeaux qui sacre de façon tout à fait impossible pour un Québécois et d’une histoire bourrée de clichés. Le Goncourt, franchement…
La prémisse de Women Talking est effrayante, d’autant plus qu’elle est basée sur un fait vécu : des femmes d’une communauté mennonite réalisent que des hommes de leur communauté les droguent et les violent dans leur «sommeil». Elles se réunissent pour prendre la décision la plus déchirante de leur vie en leur absence. Miriam Toews écrit comme nulle autre pareille, mais je n’arrive pas à mettre le doigt sur pourquoi la lecture de ses livres m’est tellement laborieuse.
J’ai dû faire un effort tout autre pour Temporada de huracanes* (Saison des ouragans) de Fernanda Melchor : c’est le seul livre en espagnol que j’ai lu de l’année. L’intrigue est bien ficelée, le sous-texte féministe est adroit, pour un roman que je recommande absolument.
Les monumentales Fées ont soif* de Denise Boucher exposent le triumvirat mère-vierge-putain dans toute son indécence. Je n’imagine pas la réception de l’époque!
Audrey Wilhemy revisite le conte de Barbe-Bleue dans Les sangs. Ce pourrait être facile ou raté, mais c’est plutôt une critique extrêmement habile de ceux qui ne croient pas la parole des femmes, victimes ou non. Mises en garde : 1) c’est assez dérageant par moments et 2) une deuxième lecture pourrait être nécessaire.
Justement, qui croire quand son propre fils est accusé de viol et qu’on se considère féministe est la question centrale de Les choses humaines* (Karine Tuil). Un roman utile qui, malgré sa fictionnalité, trouve écho dans l’actualité des dernières années.
Certains des prochains juges du Québec seront passés par la Faculté de droit de l’Université de Montréal, et le roman de Jean-Philippe Baril Guérard, Royal, laisse présager le pire si on se fie à la mentalité peu glorieuse de tous-les-coups-sont-permis en vigueur parmi les aspirants au Barreau. Malgré la sensation littéraire, je l’ai trouvé pour ma part assez prévisible et trop semblable à son précédent.
Dans la même lignée critique de l’élite petite-bourgeoise, La vie littéraire* (Mathieu Arsenault) s’attaque sans ponctuation aux plus insupportables tics du monde du livre. Sûrement incompréhensible pour la prochaine génération mais assez jouissif à l’heure actuelle.
Un collectif d’auteurs s’est inspiré des clichés du journalisme de faits divers pour écrire une série de nouvelles dans On tue la une. Comme dans ce genre d’exercice, certaines sont bien mieux réussies que d’autres.
J’ai lu Marie qui louche (George Simenon — une référence au Journal) pour le style plus que pour l’enquête policière et je n’ai pas été déçue. Fred Vargas en a écrit des meilleurs que L'homme aux cercles bleus.
Après avoir eu Rachel Cusk sur ma liste d’autrices à lire pendant longtemps, je n’ai aucun souvenir de ce que raconte Transit. Je regrette aussi d’avoir lu Kuessipan* de Naomi Fontaine trop rapidement. Il me reste le film.
Le break-up poétique de Marie-Andrée Gill (Chauffer le dehors*) donne le goût de pleurer dans du sapinage.
Extrait :
Avec pour allié le mot lentement, je relis les points en ordre croissant pour me refaire une face, je ramasse le bran de scie, désosse les jours et crache les arêtes.
Gourmand Boréal* (Michele Genest) contient des recettes pour apprêter les fruits de la nature nordique et des apartés qui font rêver d’arrière-pays. Dommage que je vive en pleine ville.
L’imposant Story* (Robert McKee) est un cours de maître sur l’écriture de scénario. Très verbeux, mais je retiens quelques grands principes qui pourront me servir ailleurs.
En résumé :
37 autrices (50 %)
42 Québécois.es (57 %)
40 recommandés (54 %)
12 en anglais (16 %)
Merci à toutes celles et celui qui m’ont recommandé, prêté ou offert des livres cette année : Éli, Ève, Cath, tante Colette, Colleen, tante Geneviève, Noémie, Gabrielle, Maria, Alex, Chantal, Lula et Maya.
Je me ferai un plaisir de connaître vos impressions pêle-mêle et coups de coeur pour 2021.
D’ici là, je nous souhaite des lectures nombreuses et captivantes.
xx
Nora